samedi 4 février 2012

ASDC Drancy : Paris-Brest-Paris 2011

Récit de Paris-Brest-Paris du 21 au 25 août 2011

Dimanche 14H00 nous avons fini de déjeuner. Nous avons apprécié ce dernier repas. Nous chargeons les derniers bagages et ma bicyclette. Thierry, Bernard et Cathy sont venus nous accompagner pour le départ. Aurélia emmène sa mère Catherine. Yannick vient avec son épouse Patricia et leurs enfants Aline et Antoine. A Guyancourt nous trouvons difficilement de la place pour garer les trois voitures. Je prépare mon vélo avec fébrilité.


Nous n’oublions pas le ravitaillement pour la nuit. Nous avons prévu d’aller jusqu’à Villaines-la-Juhel (53) sans escale, soit 220 km. Patrick et Christine viennent m’encourager. Ils ont participé à l’édition précédente, celle de 2007, en tandem. Nous voyons partir la première vague de concurrents, les plus rapides. Ils ont un délai de 80h. Il est 16H00.



Nous nous approchons tout doucement du départ. Nous piétinons et patientons deux heures entre ombre et soleil.


A 18H25 c’est notre tour. Nous effectuons les tous premiers coups de pédales d’une très longue série. Au rond point Françoise, Bernard, Cathy, Thierry nous encouragent une dernière fois. Une foule énorme nous salue sur notre passage. Les premiers kilomètres sont rapides. Nous roulons à plus de 40 km/h dans une légère descente et avec le soleil. Nous passons des villages traversés lors du brevet de 600 km, Montfort-l’Amaury, Gambais dans la forêt de Rambouillet. A Nogent-le-Roi (28) nous nous arrêtons : à une maison des gens nous proposent de l’eau. Je quitte mes lunettes de soleil. J’égare les lunettes aux verres neutres. Cela me chagrine. Nous repartons. J’ai une contraction à la cuisse gauche : deuxième souci. A la tombée de la nuit nous nous ravitaillons entre Tremblay et Châteauneuf (27). Puis nous abordons la série des côtes: 6 côtes sur 20 km entre Longny-au-Perche et Mortagne (61) et ensuite les Alpes mancelles. Nous arrivons à Villaines-la-Juhel (53) à 5H20. C’est notre premier contrôle. Nous prenons une heure pour dormir derrière l’église, sur l’herbe avec la couverture de survie. Nous puisons dans nos sacoches pour petit déjeuner.



En mangeant du riz au lait, j’ai une couronne dentaire qui se décroche : troisième souci. A 7h00 le jour se lève à peine. Nous réintégrons un peloton très étiré. La matinée est maussade. Nous arrivons au deuxième contrôle à Fougères (35). Il est midi. Nous avons parcouru 310 km. Nous retrouvons nos accompagnatrices en face du château. Elles ont préparé le repas. Le pique-nique se passe sous la pluie. Nous ne nous attardons pas. Nous repartons sous la pluie. Celle-ci cesse une dizaine de kilomètres plus loin.



Nous pointons au troisième contrôle à Tinténiac (35). Le soleil est un peu de la partie. Nous sommes à 20 km de Loudéac, nous avons fait 430 km quand nous croisons un groupe composé de 38 cyclistes. Ce sont les premiers, les plus rapides. Ils reviennent de Brest ils ont déjà fait 800 km. Il est 19H40. Quand nous arriverons à Brest, ils arriveront à Paris. Nous ne roulons pas dans la même catégorie ! Il faut avoir un sacré moral pour ne pas lever le pied. Pour notre part, nous arrivons à Loudéac à 21H00. A la sortie de la ville, nos accompagnatrices nous ont préparé le repas du soir. Comme à Fougères nous dinons sous la pluie. Nous nous habillons chaudement pour la nuit. Nous avons un peu d’avance sur notre tableau de marche. Nous décidons de continuer sous la pluie pour nous approcher des 500 km, soit de Saint-Nicolas-du-Pellem (22). Mal nous en a pris. Entre Loudéac et Trévé il n’y a que 6 km, mais nous essuyons un orage d’une rare violence. La pluie nous brûle les yeux et coule à torrent sur la route. Les kilomètres nous paraissent interminables. Nous nous abritons 10 minutes dans une pizzéria. La pluie cesse. Nous repartons. Nous sommes trempés. Les éclairs continuent de zébrer la nuit noire. Finalement nous trouvons refuge dans une grange à Saint-Martin-des-Prés (22). Nous avons fait 476 km. Après avoir avalé une soupe chaude, nous reprenons la route à 4H00. Nous arrivons au contrôle suivant à Carhaix (29), km525. Il est 5h40. Nous repartons, il fait jour. Après une courte descente, nous grimpons sans cesse dans la forêt jusqu’à Huelgoat (29). Nous faisons une halte. Nous prenons, café, chocolat chaud et croissants. 09H00, c’est reparti. Le temps est gris et humide. Les nuages sont tellement bas que nous roulons à travers en montant le Roc Trévezel, un des points culminants des Monts d’Arrée: 384m. Nous ne nous attardons pas et descendons rapidement vers Sizun (29). Nous arrivons sur les hauteurs de Brest. Il fait gris. La pluie menace. Nous nous arrêtons sur le pont Albert Louppe faire quelques photos.

Au centre

Finalement nous arrivons à Brest (29) en montant vers le fort. Il est midi. Nous avons fait la première moitié du parcours,620 km en 41h30. Le point de contrôle est animé. Juste le temps de faire tamponner notre carte de route et nous allons retrouver Patricia, Aurélia Aline et Antoine. Nous vérifions la pression des pneus. Nous nous changeons : cuissard, maillot, chaussettes. Aline a retrouvé une amie. Elles ont cherché une pâtisserie réputée pour son « paris-brest », mais nous sommes le 23 août. Elle est fermée. En dessert nous mangeons des fruits et du kouign-amann.



Nous repartons sous le soleil. Dans une grande descente avant Sizun mon vélo guidonne. Je manque de peu d’aller à terre. Je ralentis en douceur et ainsi je reprends in-extremis le contrôle de ma bicyclette. Contrairement à la matinée, le soleil est au rendez-vous dans la montée du Roc Trévezel.


Nous pouvons admirer la lande sauvage et le point de vue. Il y a une foule de supporters. Cela fait chaud au cœur. Puis la route est différente de celle du matin pour aller à Carhaix (29). Elle est moins agréable. Yannick est devant. Je reste avec Catherine. Des camions circulent à grande vitesse sur la D764. A l’entrée de Carhaix nous faisons quelques photos.



Il est 17H00 quand nous pointons au contrôle. Nous retrouvons Yannick. Nous dinons à la sortie de Carhaix, nous sommes repassés dans les Côtes D’Armor. Nous prenons des provisions et les vêtements chauds pour passer la troisième nuit.



Nous partons pour Loudéac (22). A l’entrée d’un village un cycliste tombe juste devant moi. Il parle anglais. Je lui demande s’il est fatigué. Dans la foulée je lui dis qu’il doit dormir. Nous demandons à une dame qui vient de sortir de sa maison de veiller à ce qu’il prenne le temps de bien dormir. Nous poursuivons notre route. Il est 21h30, je vois que Catherine roule moins vite. Je lui propose ainsi qu’à Yannick de se ravitailler. Nous posons notre vélo contre le mur d’une maison. Il y a de la lumière. Une dame et sa fille sortent. Elles sont anglaises. Nous engageons la conversation. Le mari sort à son tour. Ils sont heureux de vivre dans ce village, en Bretagne. La dame nous offre une bière. Nous repartons. J’arrive à Saint-Martin-des-Prés (22) où nous nous sommes reposés la nuit précédente. Mes deux amis ne m’ont pas suivi. J’appelle Catherine qui me dit qu’ils ne sont pas repartis de chez les anglais. Elle est fatiguée. Ils se reposent. Je continue jusqu’à Loudéac. Je suis interrogé par les jeunes journalistes, rencontrés la veille. Ils sont étonnés de me voir seul. Je leur dis que j’attends mes amis cyclistes. Ils arrivent une heure après moi, soit à une heure du matin. Ils se restaurent. Nous dormons une heure. Nous repartons pour Tinténiac (35). La nuit est longue. A Tinténiac nous prenons un petit déjeuner. Nous avons retrouvé notre amie Sylvie avec qui nous avons fait Pantin – Joigny et retour, le 1er week-end de juillet 2011. Catherine est encore bien fatiguée. Dès le départ elle me dit que je peux y aller. Je la laisse avec Yannick. Rapidement je rattrape Sylvie et son compagnon de route. J’essaye de voir s’ils peuvent rester dans ma roue. Finalement je pars seul. J’ai un formidable coup de pédale, malgré le poids de ma sacoche de guidon et des deux autres à l’arrière. J’arrive à Fougères à 11h07 sous le soleil. Je pointe. J’ai reçu un appel téléphonique. Les jeunes journalistes veulent m’interroger à nouveau. Yannick me rejoint, seul. Catherine a des douleurs au niveau des cervicales, elle essaie de continuer. Nous retrouvons nos quatre accompagnateurs à la sortie de Fougères (35), pour le déjeuner. Je me déleste d’une sacoche arrière. Il est près de 13H00 quand nous continuons notre route. Catherine n’est pas arrivée.



Quelques kilomètres plus loin un jeune journaliste juché à l’arrière d’une moto interroge Yannick. Tout en répondant aux questions il pédale très énergiquement. Nous grimpons une côte interminable. Je ne suis pas peu fier quand Yannick leur dit que de nous deux, c’est moi qui grimpe le mieux les côtes. Puis toujours en roulant, c’est à mon tour d’être interrogé et filmé. Un américain profite de la vive allure que nous imprimons sur la route. L’entretien me semble long. Finalement au sommet d’une côte la moto s’en va. Nous levons un peu le pied. Nous avons roulé si vite que lors de la 1re heure après le déjeuner, nous avons fait 27 km en 55 minutes et malgré un arrêt que nous avons mis à profit pour mettre de la protection solaire. Nous nous arrêtons à nouveau dans un restaurant où nous prenons une boisson fraîche à Ambrières-les-Vallées (53). A la sortie du village Le Ribay (53), dans la descente une jeune dame et ses enfants nous proposent gratuitement du café. Puis nous arrivons à Villaines-la-Juhel (53) à 17H10. Nous avons passé le cap mythique des 1000 km. L’accueil et l’animation sont impressionnants. Il y a une foule compacte. Nous sommes fêtés comme des champions. Nous retrouvons nos quatre cuisiniers. Nous prenons notre dernier repas en commun sur la place du village. Nous apprenons que Catherine est repartie de Fougère avec une minerve après s’être fait massé au contrôle. Nous préparons nos provisions pour passer la dernière nuit. Nous repartons un peu avant 19H00.



Il nous reste 18H30 pour faire 221 km. Passé le carrefour de la Hutte (72) nous reprenons des forces. Nous nous habillons pour la nuit. Nous allumons nos lumières. Nous nous arrêtons à nouveau à Mamers (72). On nous offre le potage et le café gratuitement. Nous ne pouvons pas refuser. Il fait vraiment nuit quand nous repartons. Pour arriver à Mortagne-au-Perche (61), la route nous a paru interminable. Il est 23H00 quand nous pointons. Nous fouillons dans nos sacoches pour nous alimenter. J’achète le journal local. Il y a plusieurs articles sur Paris Brest Paris. Nous dormons une heure dans la salle à même le sol. Nous repartons à 1h00 du matin. Nous escaladons les dernières côtes du Perche. A la sortie de Marchanville (61) il y a tout un groupe de cyclistes qui dorment dans l’herbe. A Brezolles (28) Yannick et moi dormons à notre tour à même le sol goudronné de la halle. Cette demi-heure réparatrice nous fait du bien. Après de longues lignes droites, avec ce qu’il nous reste de vigilance, nous partageons la route avec les automobiles et les camions qui nous dépassent à vive allure. Nous arrivons à Dreux (28), dernier contrôle avant l’arrivée, il est 5H30. Nous prenons une soupe et un café chauds. Nous décidons de dormir, ou du moins nous reposer une heure en nous allongeant dans la salle le long du mur. Nous sommes parmi de nombreux autres forçats de la route. A 7h00 nous levons le camp. II reste 65 km. Le jour s’est levé sous un beau soleil. A moins d’un gros ennui mécanique, ce qu’on ne souhaite pas, nous savons que nous allons arriver au bout du bout. A froid, les articulations, et notamment celles des genoux, sont douloureuses. Les paumes des mains reposant sur le guidon font également mal. Mais au fil des kilomètres et le soleil aidant, notre corps se réchauffe. Nous trouvons un groupe d’Angers, «mais il n’y a pas de « danger. » Nous sommes étonnés à bientôt 1200 km, de rouler à 30 km/h. Nous traversons de charmants petits villages de l’Eure-et-Loir. Puis nous nous retrouvons dans les Yvelines, sur des routes que nous connaissons, avec Gambais, Montfort-l’Amaury, Bazoches. Nous sommes en forêt de Rambouillet en région parisienne. La fin est proche. Je m’arrête pour me dévêtir et ainsi montrer le maillot du club de Drancy pour l’arrivée. J’attends Yannick de longues minutes. Je ne le vois toujours pas arriver. Je décide de continuer seul. Dans l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines je raccroche un groupe hétéroclite. Je retrouve notamment le club de Lamballe. Je jette mes dernières forces dans la bataille en suivant un vélo couché. Je n’ai plus mal. Je roule, roule, roule. Seuls les feux rouges stoppent mon élan. C’est interminable. Enfin j’arrive à Guyancourt.



A l’arrivée au gymnase des droits de l’homme, une foule compacte nous acclame. Je reconnais Albert et Michel du club de Drancy. La voix du speaker se fond avec celle de la foule. Je passe l’arrivée. Il est 10H05. Yannick arrive 18 minutes après. Ce jeudi 25 août 2011, après 87h40 c’est ma délivrance à moi. Dans le stade je suis interrogé par les mêmes journalistes. Je confie mes impressions. A chaud elles sont multiples et confuses. A la fois je suis heureux d’être arrivé au bout, sans ennuis mécaniques et de santé. Albert et Michel n’en reviennent pas. Albert confie que pour lui déjà faire 80 km ce n’est pas toujours facile, alors plus de 1200 km, c’est inimaginable. J’ai géré le manque de sommeil : en tout entre 5 et 6 heures pour couvrir les 1230 km. Mais rouler autant la nuit ce n’est pas ce qu’il y a de plus formidable dans cette épreuve, car véritablement s’en est une. Je concède aux jeunes journalistes que la nuit c’est fait pour dormir. C’est le côté « noir » de cette manifestation. Longtemps j’ai refoulé cette épreuve parce qu’elle est hors norme. Je ne pensais pas être capable d’avoir de telles capacités de résistances physiques et morales. En effet pour réussir Paris - Brest - Paris, il faut satisfaire aux brevets de 200 km en mars, 300 km en avril, 400 km en mai, 600 km en juin et ensuite on peut s’inscrire pour PBP, soit 1230 km. Il faut compléter avec de l’entrainement et notamment des sorties de 200 km. Nous avons fait 400 km début juillet ; 250 km fin juillet et 150 km début août. Il faut que le vélo soit révisé pour éviter les soucis mécaniques et partir avec des pneus neufs, de très bonne qualité. Le ravitaillement est important ainsi que la tenue vestimentaire. Surtout éviter de prendre froid la nuit. Les gens du club nous encouragent. Ils nous envient un peu. Au contraire, d’autres personnes de notre entourage ne nous encouragent pas forcément, peut-être craignent -ils pour nous. Donc au départ, même en étant en bonne santé, quand on a toutes ces données en tête, il faut avoir un moral d’acier pour se lancer dans l’épreuve cyclotouriste la plus réputée au monde. C’est la seule du genre. Cette année elle a réuni parmi les 5225 inscrits, 5004 partants venant de 40 nations différentes réparties sur les 5 continents. Il y a eu 4062 homologations, 85 hors délais (plus de 90h), dont 857 ont abandonné. Il y avait des plus forts que nous. Mais il faut croire que nous étions plus résistants que les 942 qui n’ont pas pu être homologués. J’ai dormi dans la voiture d’Albert en attendant Catherine. Elle a surmonté ses douleurs cervicales et a gardé le moral car elle savait qu’elle arriverait hors délais. Malgré cela elle est arrivée au bout de 94h05’’.



Je la remercie parce qu’au départ c’est elle qui voulait participer à ce PBP 2011. Je ne l’avais pas programmé pour cette saison. Je remercie Bernard, Cathy, Françoise, Thierry, Christine et Patrick qui sont venus au départ ; Albert, Michel et Patrick à l’arrivée et nos accompagnateurs Patricia, Aurélia, Aline et Antoine ; aussi les collègues de travail qui m’ont envoyé des messages téléphoniques ; et tous les autres cyclistes drancéens.
Je n’oublie pas que lundi soir 22 août, à Médréac (35) un américain a perdu la vie en passant sous un camion. Le président du club de Pantin, parti sur des bases de 60 heures pour boucler ce PBP 2011, a vu sa progression stoppée à Mamers (72) également par un camion. Il a été rapatrié chez lui.
Je dédie ma réussite à vous tous et en particulier à mon cousin Franck.
Jean Claude



Paris-Brest-Paris: les 360 derniers km de Catherine…


Après le contrôle de Tinténiac, km 867, je demande à Jean Claude et Yannick de filer, je ne veux pas compromettre leur réussite. J’ai un problème au niveau des cervicales, je vais m’arrêter régulièrement pour ne pas aggraver la situation. Au prochain contrôle j’irai voir le kiné, et peut-être que je vais récupérer et pouvoir finir ?
12h16 je pointe à Fougères et me dirige vers le poste de secours. Diagnostic du kiné: ce sont les muscles qui ont flanché, il fallait faire de la natation pour muscler le cou ! il me passe un gel froid, et je vais rejoindre les voitures pour le pique-nique.



je repars vers 13h30 avec ma minerve, achetée après un accident de voiture. Entre Fougères et Villaines la Juhel je progresse par petites étapes en m’allongeant sur les bancs publics comme me l’a conseillé le kiné, pour éviter l’humidité du sol. Je m’arrête manger une crêpe maison offerte le long de la route, c’est bon pour le moral ! mais dès que je remonte sur le vélo çà rigole moins ! mon menton écrase la minerve, pas assez rigide.
Une moto de reporter arrive à mon niveau : « Bonjour Catherine, acceptez vous de répondre à quelques questions ? » Ils ont eu mes coordonnées au poste de secours. Je réponds tout en continuant à rouler. Nous arrivons au niveau de Sophie Matter qui fait ce PBP en vélo de ville, décoré de fleurs. Elle est en civil avec une jolie robe riche en couleurs. Je reste à côté d’elle et nous sommes filmées et interviewées. Les journalistes s’éloignent, nous faisons un bout de route ensemble. J’enlève la visière de mon casque pour moins lever la tête, j’aurais du y penser plus tôt!
19h31, contrôle de Villaines, km 1009. Il y a encore beaucoup de monde pour nous applaudir, je les remercie par un petit sourire crispé. Je fais tamponner ma carte de route et file au kiné. Il essaie la pommade chauffante, je sens que la partie contractée du muscle est plus étendue, par rapport au premier massage. Mon affaire ne s’arrange pas ! il me laisse entendre que la nuit va être dure à passer. Je ne le prends pas au sérieux quand il me propose de m’attacher la tête pour la maintenir. J’ai appris depuis que ce n’était pas une plaisanterie, mais une réelle pratique ! Je retrouve les voitures, mange, recharge ma sacoche pour m’alimenter cette nuit et enfile le cuissard long. Patricia me propose de dormir un peu dans la voiture avant de repartir. Non, il faut que j’avance avant la nuit. Je rassure Aurélia, il y a encore beaucoup de cyclistes ici, je ne serai pas toute seule cette nuit et je ne prendrai aucun risque. Je suis toujours dans les temps, les jambes sont bonnes, si je passe bien la nuit, je peux encore arriver à l’heure… allez, on y va et on y croit ! J’ai 81 km à faire pour le contrôle de Mortagne au Perche. Je dois passer avant 2h16. Je m’arrête pour allumer mes lumières et mettre la frontale. Je vais repartir quand arrive un groupe, puis un autre, je reconnais Sophie, elle est bien callée dans un peloton, c’est très bien. Je sais que je ne peux plus rouler dans un groupe, c’est trop dangereux car je ne peux pas lever la tête et anticiper les ralentissements ou arrêts. Je laisse passer les pelotons qui s’organisent pour la nuit. Je suis obligée de m’arrêter régulièrement, le fait de ne pas relever la tête et la fatigue me donnent des sensations de vertiges. Les phares des voitures en face sont de plus en plus difficiles à supporter. Je cherche une solution pour soulager la douleur: plus question de mettre les mains en bas du guidon ! je remarque que dans les descentes en roue libre debout en appui sur une jambe ma tête est dans l’alignement du corps, ce qui me soulage. Sur le plat je peux la maintenir avec une main sous le menton, et en danseuse je n’ai pas de problème pour passer les petits coups de cul. Sur le BRM 600 nous nous étions arrêtés à Fresnay sur Sarthe, j’y arrive, je me rappelle qu’il y avait des bancs, je vais pouvoir m’allonger et me reposer. Je m’enveloppe dans ma couverture de survie. La route est juste à côté, il n’y a plus que quelques petits groupes de cyclistes qui passent. Je somnole quand un bruit me réveille. Au feu, un des vélos carénés est arrêté et n’arrive pas à repartir. A chaque tentative, le bruit casse le silence de la nuit. Le cycliste est à son téléphone portable. Je replie ma couverture, et reprends la route. Quelques km plus loin, à la Hutte, il y a un abribus, le village est éclairé et un groupe d’habitants au carrefour encouragent encore les cyclistes. Je sens l’endroit rassurant, je m’assieds 10 à 15 minutes. Je reprends la D310, petite route à deux voies avec de longues lignes droites monotones, de l’herbe sur le bas côté, un fossé et les champs. Je suis la ligne blanche du milieu. Quand j’entends une voiture, je me rapproche du bas-côté et mets pied à terre. Je me sens très diminuée, vulnérable, je ne prends aucun risque sur ces 15 km entre la Hutte et St Rémy du Val. Je ne peux pas m’allonger, alors je fais des portions à pied, question d’avancer et de changer de position. Avant le village il y a des matelas devant une maison au pied d’un arbre. Des cyclistes dorment dans leur couverture de survie, il reste un matelas de libre, de l’autre côté de l’arbre, pas d’hésitation, il faut que je dorme. J’essaie de ne pas faire de bruit en dépliant ma couverture, mais pas de problème çà ronfle dur de l’autre côté ! Je n’ai même pas mis mon téléphone à sonner, maintenant je suis résignée, c’est finit pour les 90h, mon nouvel objectif est d’aller au bout. Je ne sais pas comment je me suis réveillée, il fait toujours nuit, il y a encore un cycliste qui dort, c’est peut-être un nouveau ! je remballe ma couverture, mange un peu et entre dans le village. Je retrouve des cyclistes à une table sur le trottoir devant un restaurant. C’est ouvert ! ils me proposent une soupe chaude bien épaisse à base de pommes de terre et pâtes. C’est parfait ! Les cyclistes ne parlent pas, nous semblons tous à moitié endormis…Je fais une dizaine de km, je supporte mieux les phares des voitures, je mets moins souvent pied à terre. Je passe Mamers. Je rattrape un cycliste, c’est un Allemand. Nous communiquons avec un mélange d’anglais, allemand et français. Il a plus de 70 ans. Arrive une petite côte, je passe devant car il semble scotché dès les premiers mètres. En haut je m’arrête, il est loin derrière à pied, tant pis je continue, nous nous retrouverons plus loin. A St Jouin de Blavou je m’arrête chez Marie Thérèse et Jean Marie Geslain boire un chocolat chaud avec petits gâteaux. Il prend en photo 3 cyclistes qui s’apprêtent à repartir. Nous bavardons un moment, il a déjà mis plus de 500 photos sur son site ! il me donne sa carte pour que je puisse récupérer les miennes. Je pense soudain qu’il y aura un après PBP, pour l’instant je vis cette longue nuit de galère minute par minute, je ne pense qu’à une chose : avancer, avancer et arriver à Mortagne. Jean Marie reconnaît la voiture qui vient de passer, il me dit que c’est X ( je ne me rappelle pas son prénom) qui patrouille pour vérifier qu’il n’y a pas de voiture suiveuse sur le parcours derrière les cyclistes pour les éclairer. Je vois passer mon cycliste Allemand dans un petit groupe, je remonte sur le vélo avec les encouragements de Jean Marie.


Je rattrape le copain Allemand, il a décroché du groupe. Il est environ 5h, les camions sont de plus en plus nombreux, ils nous doublent avec beaucoup d’assurance, ce qui n’est pas pour nous rassurer !. Il ne reste plus que 10km pour Mortagne, je décide de rester avec lui, c’est plus prudent pour lui et pour moi. Maintenant je sais, dès la moindre difficulté nous mettons pied à terre, il n’a plus de force, je ne suis plus à une heure près ! Il a l’air de s’y connaître en astrologie, au cours d’une de nos marches il me décrit le ciel de cette nuit: la constellation d’Orion et autres étoiles… Nous progressons très lentement, il a du mal à pousser son vélo.
Nous pointons à 6h25 à Mortagne au Perche, ouf ! quelle galère ! Il annonce son abandon, c’est raisonnable. Je m’allonge sur le sol de la salle. J’ai appris que les arrivées à Paris (St Quentin en Yvelines) étaient enregistrées jusqu’à 17h. Je me remets à calculer: il reste 140km, à 14 de moyenne il faut 10h, si je pars à 7h c’est bon. Ce serait bien pour ceux qui me suivent sur Internet de savoir que je suis allée au bout ! je suis à nouveau motivée, je quitte ma couverture, déchirée, inutile de la replier cette fois, je la jette, et en selle. J’ai enlevé ma lumière avant pour pouvoir prendre appui sur le rehausseur. Je pointe à Dreux à 11h 29, nouveau calcul: je peux aller au kiné et manger, je suis dans les temps. Il reste 65km, je vais finir, et peut-être avant 17h ! je m’alimente bien et me permets une bière. Je repars avec un bon moral, mais attention à rester vigilante. Le manque de souplesse au niveau du cou m’oblige à beaucoup de prudence notamment pour traverser les carrefours. Il fait chaud, j’ai oublié de remplir mes bidons à Dreux, ils sont vite vides. Je n’ai pas pris de café non plus et avec la chaleur j’ai un coup de barre. Je m’arrête dans un petit village et m’allonge 15min, je demande à un homme qui est devant chez lui de me remplir un bidon d’eau. Il n’y a pas de café, je suis obligée d’aller jusqu’à Gambais où je commande un double café. Un couple d’Américains est installé à une table dehors, il a fini son PBP depuis déjà quelques heures, je le félicite, ils m’encouragent pour mes derniers km. Je rencontre une jeune Russe, difficile de communiquer ! Je crois comprendre qu’elle est partie avec les départs libres dimanche soir entre 21h et 22h, elle doit donc arriver vers 17h. Nous entrons dans les banlieues, nous avons du rater une flèche, nous tombons sur la N10 ! Nous ne sommes plus sur le parcours, aucune indication. Enfin quelqu’un pour nous renseigner, nous avançons sans trop savoir où nous allons, je la sens inquiète, l’heure tourne. Trois cyclistes du coin nous indiquent la route, nous retrouvons une flèche, il est 16h15, elle me fait un grand sourire, elle va être dans les temps…Au rond point de l’arrivée, j’entends : « Allez Catherine ! » les copains sont là, Aurélia, Patricia et ses enfants, c’est super !
Nous passons l’arrivée à 16h26. La copine Russe vient m’embrasser, je suis heureuse pour elle, elle saute de joie, c’est la fête…



Quelle belle surprise, c’est Roland de Bobigny qui tamponne ma carte de route. Nous posons avec nos beaux maillots PBP, nous sommes fiers de les porter !
Merci à nos accompagnateurs, à tous ceux qui nous ont suivi sur Internet, et ceux présents au départ et à l’arrivée, et bien sur à tous les organisateurs et bénévoles du PBP, très belle expérience sportive et humaine, à renouveler ???

Catherine Feugnet.


AS DranCyclotourisme